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Page créée le : vendredi 2 août 2013, terminée le : samedi 3 août 2013, affiné jusqu'au : samedi 24 août 2013
Mots clefs : Sur les traces d'un bas-relief grec ; le massage en Égypte ; prêtre-médecin ; masseur ; massage ; passe ; Grec ; pédotribe : alipte ; iatralepte ; manipuler/masser ; Iatreion ; médecin périodeute ; incubatio ; asklepieion
Noms propres : CFDRM de Paris ; Laurent Galopin ; Alain Cabello ; Hippocrate ; Asklepios ; Hygie ; Mirko D. Grmek ; Danielle Gourevitch ; Émile Littré ; Richard-Alain Jean
Dossier associé :
Article précédant : Infirmiers et masseurs à l'époque gréco-romaine par Laurent Galopin et commenté par A. Cabello. Article suivant : Massages thanato-morbides dans la carte-postale caricaturale

 

 

Lecture d'un Bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page du Musée du Pirée

 

Par Alain Cabello-Mosnier.
P/O le
CFDRM
Libre de droits non commerciaux.

 

Rédigé à Paris le : vendredi 2 août 2013

Etude du bas-relief

Description interprétative

Passe magique.

Conclusion

 

Étude du bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page

Alors voilà, comme je l'avais précédemment fait pour ce papyrus représentant une scène de massage supposée qui se baladait sur le web comme étant une source sûr du massage en Égypte, voir L'intrigante histoire du papyrus du web... publiée le vendredi 5 juillet 2013, et qui s'est avérée provenir du mastaba Information ouverte dans une nouvelle page d’Ankhmahor en Égypte 4300 ans av. J.-C., je procède à l'analyse de ce Bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page Grec d'un homme massant une jeune femme. Même topo, l'image était partout mais sans jamais être accompagnée d'informations, de sources donnant la moindre indication, la seule posture du masseur supposé était à elle seule gage d'authenticité.

Dans les archives du CFDRM de Paris nous ne disposions d'aucune information sur l'origine de ce tableau et de ce qu'il était censé présenter avant que je ne rédige ce papier. Nous l'avons vue une scène de massage supposée n'est pas forcément une scène avérée aux lumières de l'étude tant que l'écrit et l'expertise contradictoire ne viennent nous le certifier.

 

Je venais de terminer la mise en ligne et en liens du texte Infirmiers et masseurs à l'époque gréco-romaine de Laurent Galopin spécialisé dans la médecine à l'époque romaine, j'avais pris contact avec lui afin de lui demander l'autorisation de travailler sur son papier et en voulant l'illustrer, je tombe sur cette représentation grecque tout-à-fait à propos que nous possédions dans la base de données du CFDRM. A la fin du texte je proposais une petite étude complémentaire sur ce Bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page Grec et alors que j'invitais Laurent Galopin à relire le travail que j'avais fais sur sa publication, le voilà qu'il me communique quelques indications tout-à-fait majeures qui m'oblige à scinder en deux mon travail pour former deux dossiers distincts.

Description interprétative :

Donc, que voyons-nous sur ce panneau ? Sept personnages sculptés, trois femmes, trois hommes et un enfant en partant de gauche à droite.
1er personnage : dans ce type de représentation grecque ou latine, il y a souvent un personnage féminin représentant une déesse ou une prêtresse, mais s'il s'agit d'une femme alors elle est de la maison et de par sa taille, c'est la mère ou un personnage central, le plus puissant du tableau. Elle est grande, debout, en toge Information ouverte dans une nouvelle page, on suppose presque la présence de sa fibule Information ouverte dans une nouvelle page ; elle se tient juste derrière l'opérateur ou pédotribe, attentive.

2eme personnage : lui concentrera toute notre attention, puisqu'il semble s'apparenter à notre métier, c'est un homme visiblement d'expérience, barbe très fournie de l'érudit, musculeux il nous paraît être un alipte ou un iatralepte grec d'importance. Le geste est sûr, les deux mains sont mobilisées montrant une parfaite maîtrise de ce qu'il fait. Il se situe en tête de lit.

3eme personnage : c'est une femme, qui parait plus petite, plus jeune que la femme debout à gauche, je lui prête donc le qualificatif de fille/patiente. Elle est centrale, allongée sur un lit, de côté elle nous fait face, habillée d'une toge, elle se fait (manipuler/masser ?) l'épaule, mais encore une fois, l'oeil associé à l'espoir quasi suppliant de trouver de pareilles pièces mettant en scène une masso-pratique peuvent s'avérer décevant.

4eme personnage : un homme également en toge que je pense être avec tout le groupe de droite des domestiques au vue de leur taille classiquement représentés plus petits comme nous le voyons dans de nombreuses sculptures ou dans la tapisserie afin de positionner socialement les gens représentés, sans risquer de confondre le maître avec ses serviteurs. Hiérarchiquement il est en tête, peut-être en raison de son sexe ou de sa position dans l'intendance de cette famille.

5eme personnage : juste derrière on dirait un jeune homme avec une barbe naissante.

6eme personnage : sa grâce, ses courbes me font penser à une jeune femme soit de la domesticité si l'on se situe dans une famille, soit une patiente si l'on se met dans un cadre médical. En effet nous noterons la présence d'un bandage qui retient son bras à son cou.

7eme et dernier personnage : l'enfant et quant-à-lui peut faire partie de la famille, on peut supposer qu'il est à côté de sa nourrice avec les serviteurs ou accompagnant sa mère malade.

Nous avons ainsi deux lectures possibles, celle de l'intervention d'un iatralepte vénérable dans une grande maison grecque soignant la fille sous les yeux du personnel et celle d'un médecin périodeute qui voyageait de ville en ville en s'installant un temps dans le Iatreion de la cité, comme Hippocrate (460-377 av. J.-C) le fera. D'ailleurs, il existait toute une tradition qui concernait bien des métiers visant à voyager pour acquérir de l'expérience et surtout se mettre à jour des nouvelles découvertes.

Nous pouvons donc lire cette scène comme un médecin peut-être formé à la iatraleptique officiant sous l'égide d'une déesse de la médecine et le groupe de personnages à droite seraient des patients venant se faire soigner.

Bien sûr, je partais de la lecture que d'aucuns pouvaient faire de ce panneau en ne se fiant qu'à ce qu'il était supposait contenir ou à ce que nous souhaitions y ardemment y voir. Avec les renseignements glanés ici et là ajoutée à la collaboration de Laurent Galopin nous parvenons malheureusement à une lecture tout-à-fait différente.

Réponse de Laurent Galopin : « Pour ce qui est du bas-relief, je ne le perçois pas comme une scène de massage, mais une scène d'incubatio dans un asklepieion, peut-être en présence du dieu Asklepios lui-même, derrière la malade alitée. C'est une stèle votive présente au Musée archéologique du Pirée . Mirko D. Grmek et Danielle Gourevitch parlent de cette stèle dans "Les maladies dans l’art antique" (1) page 19.
L. Galopin me précise l
e vendredi 23 août 2013 "Si l'on en croit les auteurs, la stèle date donc du IVe siècle av. JC, et représente une incubatio. D'un côté, Hygie et Asklépios, "les mains tendues au-dessus de la patiente en une sorte de passe magique". "L'autre côté de la scène illustre les remerciements, avec la participation de toute la famille ; la présence d'un enfant signifie probablement que tout le monde rend grâce pour la naissance de l'héritier". »
M
usée du Pirée, stèle votive, référence MP 405.

Explication de texte, "une scène d'incubatio dans un asklepieion," ce qui revenait à laisser le patient s'endormir afin qu'Asklepios lui vienne en rêve diagnostiquer sa maladie et lui indique éventuellement le remède approprié, des prêtres médecins interprétaient alors ces rêves pour les traduire en ordonnance. L'asklepieion était un temple dédié à Asklepios au sein duquel l'on formait des médecins mais où l'on recevait aussi des patients.

(1) Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D Grmek, Danielle Gourevitch, Ed. Fayard, 1998

Voilà qu'il se passe la même chose que pour mon fichu papyrus, ci-contre, sur les traces duquel je m'étais lancé il y a quelques semaines et cruelle déception, il n'existait pas, mais déception tout de même de courte durée puisqu'il s'est transformé en tombeau égyptien vieux de 4300 ans av. J.-C., alors pas de raison d'être déçu mais quand même. Cette explication me navre et m'agace car que viennent faire autant de gens autour d'un dormeur ? N'est-il pas plus facile d'y voir un massé et puis c'est tout ? C'est ce que se sont probablement dit ceux qui l'on un peu trop rapidement associé à leurs sites de massage comme une évidence grecque mais le rôle d'un Centre de Documentation de et Recherches sur les Massages n'est pas de se contenter d'approximations mais d'apporter les preuves permettant d'affirmer ou d'infirmer une supputation.

Sur la trace des massages dans le  tombeau d’Ankhmahor Information ouverte dans une nouvelle page en Égypte 4300 ans av. J.-C.

Quelle que soit l'issue de cette étude jamais la déception ne pourra l'emporter sur le plaisir que j'ai eu à travailler sur ces textes. Et puis, je ne veux pas avoir l'air d'insister mais dans ces rêves, le massage pouvait tout-à-fait faire partie de l'ordonnance du Dr. Asklepios, le iatralepte n'est jamais très loin du médecin. Émile Littré, dans ses Oeuvres complètes d'Hippocrate 1839-1861 1ère Ed. Fiche technique en 10 volumes, ne nous dit-il pas comme page 55, tome 1er qu'Hippocrate (460-377 av. J.-C) écrira un Traité sur les frictions TDM Fiche technique désormais perdu ?

L'intervention salutaire de Laurent Galopin m'offre ainsi la même surprise que celle que j'avais eu avec Richard-Alain Jean auteur de À propos des instruments médico-chirurgicaux métalliques égyptiens conservés au musée du Louvre, Ed. Cybele, Paris, 2012 TDM Fiche technique lorsqu'il m'orienta vers ce mastaba Information ouverte dans une nouvelle page de l'Ancien Empire Égyptien.

En effet, Laurent Galopin me communique ce passage de la page 19 de Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D Grmek et Danielle Gourevitch, Ed. Fayard, 1998 qui parle "d'une sorte passe magique" ; un peu plus haut il nous disait « Pour ce qui est du bas-relief, je ne le perçois pas comme une scène de massage,... ». En fait, ce que l'historien ne voit pas, le chercheur en massage l'attrape avec son oeil sensible, la passe est un terme également utilisée en massage pour désigner un ensemble de mouvements coordonnés exécutés en vu d'obtenir un résultat définit. C'est justement ce que j'écrivais lors de mon premier jet avant cette ré-intervention de ce vendredi 23 août 2013. L'incubatio pourrait très bien susciter chez le prêtre-médecin chargé de trouver le diagnostique et/ou le remède associé indiqué par cet infra-dialogue avec les Dieux, la nécessité d'utiliser le massage comme moyen thérapeutique.

Notre schéma se situe donc entre "une sorte passe magique", le "je ne le perçois pas comme une scène de massage" et l'extrapolation des plus optimistes pour lesquels l'acte massant est caractérisé.

Loin de m'éloigner de mon hypothèse de base sans pour autant la confirmer non plus mais c'est justement là toute la différence entre thèse et hypothèse, la présence possible d'un massage n'est donc pas à écarter puisque son utilisation, contemporaine à l'époque d'Hippocrate (460-377 av. J.-C) correspond à la taille supposée de ce bloc daté précisément du IVe siècle av. JC,.

Pourtant, des quelques sources que nous avons, aucun historien ne le qualifie même si l'on ne peut complètement l'exclure, ce papier aidera à y voir plus clair. A présent, reste à définir ce que nous pourrions trouver de masso-ADN dans la notion de "passe magique".

 

Passe magique.

Ici il s'agirait de revenir sur la place de la magie en massage alors que je ne l'ai quasiment pas encore abordé et de plus, ce n'est pas l'objet de ce papier mais enfin, ces deux arts se rencontrent assez régulièrement pour que leurs vocables soient référencés dans les dictionnaires du CFDRM de Paris dédiés au massage, l'imposition des mains, le pouvoir du magnétisme, ses influences dans le spiritisme, la chiromancie donnent aux mains, de tout temps, un étrange et très puissant pouvoir de médiation entre le monde des morts et celui des vivants, entre la maladie, le mal-être et la capacité de soigner. Le toucher des rois n'avait-il pas le pouvoir de guérir des écrouelles ? La passe est un langage codé cernée par le silence qu'impose l'étude mais que la voix accompagne parfois de ses incantations récitées, adressées entre au corps et à l'esprit en faisant le lien de l'un à l'autre, entre la vie et la mort.

J'ai repéré Dogme et rituel, haute magie, par Eliphas Levi Ed. Niclaus TDM Fiche techniqueque la bibliothèque du CFDRM ne possède pas encore à l'heure où j'écris ces lignes mais dans lequel se retrouvent et le massage et la passe.

Dans la scène de cette pièce du Musée archéologique du Pirée , Asklepios ne pourrait-il pas s'adresser à sa fille Hygie par l'intermédiaire du massage ? Ce pourrait-il que son verbe soit le magnétisme ? Cette passe magique semble impliquer le contact avec la peau même si nous savons qu'il n'est pas requis pour constituer un massage, la distance n'empêche pas le miracle de se passer. Si la pierre n'a pas la vertu de nous montrer le geste avec sa capacité de glisser qui nous préciserait la présence de ce que nous cherchons, la seule imposition des mains constitue déjà un massage. Le serment d'Hippocrate d'origine en appel en début de texte à Higye : « Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée,... etc. » et le massage était à ce moment là pratiqué dans les murs de l'école de Côs. Dans un article que j'avais publié en 2009, Tableau chronologique depuis les origines du massage je proposais une division en cinq stades du massage et j'indiquais que le toucher se situait au troisième rang au titre de proto-massage.

Donc voilà, l'incubatio est nullement antinomique avec notre quête perpétuelle à travers l'histoire de masso-témoignages, il vient au contraire s'ajouter à notre dossier sur massage et magie.

 

Ici nous avons peut-être le bon sens du relief votif en marbre de l’Asclépieion du Pirée décoré d’une scène d’incubation ; début du 4e s. av. J.-C.

 

Conclusion

Mon travail se suspend ici, à la lecture de Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D Grmek, Danielle Gourevitch, Ed. Fayard, 1998 que m'indique Laurent Galopin et qu'il nous faudrait acquérir pour la bibliothèque du CFDRM de Paris mais ne pensez pas que cela fut vain, parti de rien me voilà avec une géo-localisation d'un glyphe grec, des hypothèses de travail et un titre d'ouvrage que je ne lirai pas forcément dans la foulé de ce dossier mais que je préfère avoir en lieu et place de ce Bas-relief Information ouverte dans une nouvelle page plutôt qu'une vague image présentant ce qu'elle ne fait pas forcément. L'oeil de l'ignorant peut avoir besoin de ce genre de représentation pour illustrer son site internet mais notre métier sait que la Grèce regorge de témoignages qui n'attendent plus que des sites comme ceux-ci pour les exhumer et les mettre à la disposition de tous. La regrettable déduction que l'on peut malheureusement en tirer c'est celle de l'indexation supposée et naturelle qui existe entre ce manque de curiosité évident poussant à afficher n'importe quoi comme la manifestation ancienne d'un massage et la qualité réelle de la prestation promise si l'on considère que le ou la praticienne a mi la même énergie à sa formation.
Si en temps que professionnel(le) nous ne sommes pas capable de nous rassembler pour extraire l'histoire de nos métiers, il n'y a aucune raison pour que notre pratique au quotidien soit meilleure. Peut-on reprocher à nos client(e)s leur inculture du massage et parfois des demandes que l'éthique condamne si nous brillons nous-même d'une crasseuse méconnaissance de notre propre histoire ? Pour le client, le massage n'est qu'un art de vivre transitoire qui s'inscrit dans un ensemble, mais pour nous, praticien, praticienne, n'est-ce pas notre quotidien ?

 

...à suivre.

 

Livres associés :

 – Les maladies dans l’art antique, par Mirko-D Grmek, Danielle Gourevitch, Ed. Fayard, 1998

 

Sites & blog

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Site :
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Cabello Alain http://www.cfdrm.fr/CV_Cabello_Alain.htm
CFDRM de Paris : http://www.cfdrm.fr

 

 

Alain Cabello
vendredi 2 août 2013