CFDRM > L'utilisation du gant en massage
ou Le set du masseur.

Dossier commencé le : dimanche 11 juillet 2010. Mise à jour le : jeudi 13 octobre 2016, 16:28

L'utilisation du gant et de ses dérivés dans le massage à travers l'histoire
Par Alain Cabello

 

Dans l'histoire de la pratique des massages, il est un outil de travail auquel on ne pense pas souvent et qui pourtant existe depuis les origines comme intermédiaire de la main, s'ajustant à elle et au corps qui se trouve en dessous, je parle du gant. Oribase qui, sur demande de l'Empereur Julien, se lança dans l'érection de la plus vaste encyclopédie de l'antiquité en collectant l'ensemble des connaissances gréco-latines, ne passe bien sûr pas sous silence le massage et avec lui, l'utilisation du gant.

Cette page traitera également des objets qui peuvent lui être associés comme la forme primitive du gant, une étoffe, l'éponge, l'utilisation de crin, de flanelle ou même la brosse comme appartenant au set du masseur comme nous le détail Estradère à la page 55 de sa thèse.

 

 

Au XVIe siècle Paris comptait 30 étuves et au 17ème il n'en subsiste plus que 2, le bain est proscrit pour des raisons de moeurs mais aussi parce qu'on se rend compte que l'eau provoque la dilation des pores de la peau par lesquels pénétreraient les miasmes selon les critères scientifiques de l'époque. La toilette sèche est donc favorisée avec l'utilisation d'une petite pièce de toile mouillée ou juste humidifiée d'eau ou de parfum. L'origine du mot toilette vient d'ailleurs de l'utilisation de cette petite toile dont le diminutif nous donne toilette.

Se laver, se savonner et même s'essuyer constitue déjà un massage mais l'émergence de cet intermédiaire qu'est cette toile devient alors non seulement un outil d'hygiène mais il forme aussi les strates d'un outil de massage.

Simple tissu lavant ou massant décrit comme tel depuis l'antiquité à défaut d'éponge réservée aux plus riches, ce carré finira par se refermer sur la main comme un gant pour donner naissance à la fois au gant de toilette et à celui dévolu spécifiquement au massage. Ici nous voyons bien l'évolution des pratiques et Estradère propose cette superbe transition à la page 55 de sa thèse « La partie dorsale de ce gant est d'une étoffe de nature et de couleur différente, tandis que la face palmaire est revêtue dans toute son étendu d'une espèce de tissu faisant brosse, construit généralement avec du poil de chameau. ». Non seulement il décrit la "gantisation" mais il le lie, selon la texture à la brosse.

Loofa ; étoffe de camelot ; gant au poils de chameau.

 

Nous lisons dans  Les Français peints par eux-mêmes, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle, tome 3, Paris, Ed. Curmer 1842 TDM  Fiche technique Page 253 " le masseur et un de ses camarades qui vient s'adjoindre à lui munissent leur main droite d'un gant de poil de chameau et vous étrillent des pieds à la tête durant cinq ou six bonnes minutes."

 

Le gant par Estradère

Nous allons commencer par Estradère puisque c'est à l'occasion de la lecture et de la retranscription de sa thèse Du massage de 1863 Fiche technique sur le site du CFDRM que ce dossier est ouvert et en effet, nous retrouvons de nombreuses mentions pour lesquelles nous nous efforcerons de référencer les textes correspondant. Pages 15 nous avons une première émergence de la brosse et de l'éponge dans ce récapitulatif : « De l'examen de ces divers textes, je conclus que le massage se composait, pendant les temps hippocratiques, de malaxation, de pressions, de frictions sèches ou avec de l'huile, ou à l'aide de la brosse ou d'une éponge, et enfin de mouvements imprimés aux articulations allant jusqu'à la douleur. »

Pages 17 et 18 il nous est proposé cet extrait du deuxième tome de 1854 des Oeuvres complètes d'Oribase par Daremberg Fiche technique consultable au CFDRM :

Pages 17
"Enfin, dans le passage suivant tiré du deuxième volume, folio 3991, le massage est également décrit : « Souvent on a affaire à des individus qui sont sensibles au froid lorsqu'ils se déshabillent ; il faudra, quand ils auront leurs vêtements sur le corps, leur donner des mouvements... Après cela on produira une rubéfaction au moyen de frictions intenses avec des linges rudes, poussées jusqu'aux massage et pratiquées en partie par des baigneurs eux-mêmes et en partie par d'autres individus. La meilleure méthode pour cela est de donner aux esclaves des gants faits avec du linge, autrement il se pro-
1) En fait, il s'agit du tome deux Fiche techniquedes Oeuvres complètes Oribase en quatre volumes Fiche technique que publient Bussemaker et Daremberg disponibles au CFDRM.

Pages 18
duit quelquefois des excoriations, attendu que l'opération se fait inégalement par la suite du plissement du linge. Puis les baigneurs devront être frictionnés à sec, en partie avec les mains nues, en partie avec celles d'autres individus. En effet, outre que cette pratique, réchauffe cela donne un ton admirable aux parties... Après cela on se rougira le corps en se le raclant fortement avec des strigiles qui ne doivent pas être trop obtus ; de cette façon on renforce et on lisse la surface du corps. »

Oribase, auquel j'ai emprunté ces divers extraits, vivait du temps de l'empereur Julien vers l'an 360 de notre ère."

 

Ici, Estradère parle de la main massante pouvant être remplacée par l'éponge, un carré de flanelle, du linge neuf, peut-être pour ses vertus plus rêche, une brosse et même du crin comme nous pouvons le lire à la pages 29 et 30 de sa thèse :

Pages 29

"Enfin, à la page 382, il entend par friction "l'action de frotter quelques parties du corps humain, soit avec la main, une éponge, de

Pages 30
la flanelle, du linge neuf, une brosse, du crin, etc." Dans les chapitres suivants, il décrit les diverses sortes de frictions, leurs effets, les règles générales pour les pratiquer et leurs indications." Il semble parler de Plempius.

 

Pages 48 nous avons un nouvel exemple de gant :

« Cette opération finie, il s'arme d'un gant d'étoffe et vous frotte longtemps. Pendant ce travail il détache du corps du patient tout en nage une  des espèces d'écailles, et enlève jusqu'aux saletés imperceptibles qui bouchent les pores. La peau devient douce et unie comme le satin. »

 

Pages 51 :

"Selon Thévenot et les auteurs du Dictionnaire des sciences médicales Fiche technique,  le massage des Turcs est assez analogue des Égyptiens ; car, les salles étant chauffées, on ne tarde pas d'y suer ; alors on y est lavé, essuyé, peigné et longtemps frotté avec un morceau de camelot qui débarrasse la peau des débris épidermiques ; puis l'on passe sur le corps du savon et d'autres cosmétiques."

 

 Pages 55 : ici on nous parle de l'utilité du gant en massage, de sa description comme ici en forme de moufle devenant brosse...

"L'arsenal des masseurs n'est pas compliqué, car à peine s'il doit compter quelques instruments d'un petit volume ; ce sont : la brosse, le gant, la raclette ou strigil, la roulette, la palette, un faisceau de branches, et accessoirement un corps gras. [...]

Gant. — On désigne sous le nom de gant une espèce de sac de la longueur de la main, fermé à l'extrémité unguéale, et présentant au niveau du poignet un petit cordon, qui, passant par une coulisse, permet de fixer le gant au poignet. L'extrémité digitale présente deux compartiments, l'un très large, permettant l'introduction des quatre derniers doigts, et l'autre plus étroit, destiné à la réception du pouce. La partie dorsale de ce gant est d'une étoffe de nature et de couleur différente, tandis que la face palmaire est revêtue dans toute son étendu d'une espèce de tissu faisant brosse, construit généralement avec du poil de chameau. C'est une brosse plus douce que la brosse ordinaire, et dont la flexibilité permet de frictionner uniformément les parties du corps les plus irrégulièrement contournées. Cette brosse, molle et flexible, mérite d'être conservée, car elle est réellement utile. Quant à la nature du poil qui forme la partie essentiel de ce gant, elle n'est d'aucune importance.

Galien raconte que de son temps on se servait d'un gant de peau pour éviter l'excoriations de la peau ; aujourd'hui nos masseurs, peut-être plus habiles, se servent de la main toute nue et ne craignent point d'excorier la peau. Le gant qu'ils emploient sert pour faire des frictions excitantes, ainsi que je viens de l'indiquer. Quelquefois aussi il sert à percuter sur les diverses parties du corps que l'on masse."

 

Page 70 : Parlant de la percussion Estradère nous dit : « Elle s'exerce à l'aide de la main seule, ou bien à l'aide d'un instrument, tel que la Palette, le Gant, un linge mouillé, des verges, etc. »

 

Page 71 : Estradère poursuit : « e. Percussion proprement dite. — On se sert communément d'une ou deux Palettes avec lesquelles on frappe alternativement avec une rapidité et une intensité plus ou moins forte. D'autres fois on se sert du Gant, ou de la brosse, ou de la roulette, d'un linge mouillé, ou bien encore de branches réunies en faisceau. »

 

Page 75 au chapitre A. — Massage hygiénique. à 1° Massage des membres thoraciques. nous lisons : « S'armant ensuite de la brosse et mieux du Gant pour un membre qui a si peu d'étendue, et

Page 76 dont les contours sont si variés, il fait des frictions de plus en plus fortes, jusqu'à ce que la peau soit d'un rosé uniforme et légèrement tuméfiées ; alors il fait l'onction avec de l'eau de savon ou tout autre corps gras. Cette onction est accompagnée pendant quelques minutes de frictions assez rudes avec la main ou avec la brosse, ou le Gant, ou un morceau de laine ou de flanelle, ou bien encore, si l'on se sert d'un faisceau de branches, avec celui-ci. »

 

Page 78 « ...ensuite il [le masseur] fait, sur toutes ces parties, des hachures, le claquement, les vibrations pointées, les vibrations profondes et la percussion proprement dite, soit avec le poing, soit avec la Palette, le Gant, la brosse,... »

 

Page 80 Même type de descriptif : « Il fait ensuite le sciage sur le muscle du mollet et différent percussions, telles que la hachure, les claquements, les vibrations pointées, les vibrations profondes et la percussion avec le poing, la Palette, la brosse, le Gant ou bien avec des verges mises en faisceau. »

 

Page 82 Ici nous avons l'utilisation du gant à l'article b. Massage du cou. « ...avec la Palette, le Gant ou la brosse,...»

Page 83 Idem pour le 4° Massage du tronc. « ...le Gant, la brosse ou des verges ;... »

 

 

Fin du massage selon Estradère.

 

 

 

Voici un intéressant témoignage avec ce gant de la marque Tadé sur lequel je tombe ce vendredi 23 juillet 2010 avec ce commentaire à la vente : "Grâce à sa légère rugosité, ce gant de "crêpe anglaise" est le plus renommé des gants du bain oriental. Idéal pour les peaux fragiles des hammams féminins. Il revitalise l'épiderme et stimule la circulation. C'est un gant exfoliant..."

Nous avons le même travail sur la texture choisie qui prend alors sont importance, dès lors que l'on veut un massage doux flanelle ou crêpe comme ici, pour sa rugosité nettoyante.

 

 

 

Paris le vendredi 23 juillet 2010

Cabello Alain.

 

 

 

Guillaume Du Choul en parle dans son livre Des Bains déf. verso f. 5 et au verso f. 8.

 

Dans l'illustration

Dans le fond d'archive du CFDRM de Paris, nous avons quelques cartes-postales, photos et caricatures parfois grivoises intéressantes de l'utilisation du gant que nous alimenterons progressivement.

Le masseur noir par Sager ; Pour calmer les nerfs par Sager ; Toilette de femme.

 

 

Fiction totale exécutée au gant pour frotter

 

Du massage ou manipulation appliqué à la thérapeutique et à l'hygiène, par Jules Gautier de 1880 TDM Fiche techniquep. 53 Information ouverte dans une nouvelle page "Chez les femmes délicates à l'époque de la ménopause, on fera faire du massage, alterné avec des grands bains, ou seulement avec des frictions à l'aide d'un gant de flanelle, selon le degré de faiblesse de la maladie."

 

 

Fiction totale exécutée au gant pour frotter de la collection dite de Champerret : Planches, Collection Champerret.
Paris le : mardi 30 octobre 2012.

Cabello Alain.