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Massage au moyen-Âge
Au Moyen-Âge, les sources sur le massage se raréfient...
Le Moyen-âge
conserve cette idée fausse de période noire, de période
sans pensées, qui attend la Renaissance. C'est faux bien
sûr mais il nous faut bien constater que les sources sur le
massage
se raréfient. Nous retrouvons de nombreuses données
dans l'antiquité notamment en Italie, ça foisonne
au 19ème, mais entre les deux, rien...
Quand commence et se termine le moyen âge
? A la mort de l'antiquité. Bien sûr il s'agit-là
de périodes et non d'édifices que l'on pourrait dater
par son act de construction même si dans le cas présent
nous avons celui de déconstruction, guerres perdues, successions
etc.
L'antiquité prend fin, comme nous
le voyons sur le schéma ci-dessus, que nous avons emprunté
au de Jean-Francois
Mangin_, avec la chute avec la chute de l'empire romain
d'occident en 476 par Odoacre. S'amorce alors ce que l'on nommera
le haut Moyen
Âge matérialisé par la dynastie des
Mérovingiens qui s'éteindra en 751. Charlemagne né
au même moment et inaugure le règne des Carolingiens
et l'émergence du Haut Moyen-Âge jusqu'en 987 avec
la mort du roi, le traité de Verdun et la partition du royaume
en trois parties, l'occidentale, la Médiane et l'orientale.
Les Capétiens entament un long règne contenant toute
la période du Bas Moyen-Âge jusqu'en 1589 et l'événement
de la Renaissance.
Mais que c'est-il passé en massage
? Certes, nous disposons de textes de Galien,
d'Hippocrate parlant
de massages,
de frictions comme Avicenne le fera au Xe siècle
mais ensuite nous passons directement à Ambroise Paré
qui conseille la friction pour favoriser la circulation du sang
; Guillaume Du Choul nous parle dans son
livre "exercitations grecques et romaines"
des massages qui se déroulaient dans les thermes
romains, mais ces ouvrages datent du 16ème siècle,
c'est-à-dire de la fin du Moyen-Âge. Alors que s'est-il
passé pendant mille ans d'absence ? Dans le tableau
de l'histoire des massages de George Berne et de Dujardin-Beaumetz, que nous propose
Berne dans son ouvrage Le Massage de 1894(p.3), la division
qui nous est proposée part de la période dite primitive
pour s'achever à la 6ème, nommée, actuelle.
Mais à la grecque, qu'il place en 4ème position, fait
place celle de la Renaissance.
Le XIVème siècle verra une vague
de froid sans précédent s'abattre sur le continent,
marasme économique, pauvreté extrême, disette
et en 1348 la peste décime les deux tiers de l'europe. De
fait, on peut comprendre que les traces du massage se soient
alors altérées, mais avant cette tragédie les
Capétiens firent de la France le plus riche royaume d'europe
jusqu'à Saint Louis, petit-fils de Philippe Auguste,
alors pourquoi donc rien ne subsiste ?
Il est évident que beaucoup
d'ouvrages sont à relire sous l'angle du massage mais les traces écrites de cette époque
restent rares. Le livre sous sa forme actuelle en ce début
du Moyen
Âge n'existe tout simplement pas.
Le premier Codex dont on ait la trace, date du IXe siècle,
voir la petite histoire du livre que propose le CFDRM sur la page
des livres rares que contient son fond documentaire. Au paravent
les écrits étaient sous forme de rouleaux que l'on
nommé Volumen. Peu pratiques et surtout fragiles ils se conservaient
mal à cause du support utilisé, le papyrus. L'invention
du livre comme nous le connaissons aujourd'hui représente
à la fois une évolution pratique et technique en remplaçant
le rouleau de papyrus par la superposition de "pages"
non plus en papier friable mais en cuir, en parchemin, c'est-à-dire
en peau de veau tannée nommée Vélin beaucoup
plus résistantes.
Jusqu'en 1450 le livre est manuscrit,
c'est-à-dire, écrit à la main, et ce, généralement
par des moines copistes qui se réunissaient dans une salle
appelée scriptorium ou scriptorias au pluriel. L'importance
de l'église, le nombre de monastères qui contenaient
d'autant plus de moines que le gîte et le couvert leur étaient
assurés à des périodes souvent très
instables du point de vue politique ou climatique, explique pourquoi
les trois quart des ouvrages de l'époque étaient religieux
et seul un quart traitait de sujets touchant au droit et à
la médecine. Donc, si le massage se pratiquait de façon plus confidentiel dans
les masures du peuple de France, nous n'en gardons pas de traces,
en tout cas pas de traces écrites hormis celles que la médecine
a pu laisser lorsqu'elle a su y trouver un intérêt
médical et surtout braver les interdits de l'époque
qui pesaient sur le corps. Il y a aussi un piste non négligeable
à étudier, c'est, outre les travaux sur la cosmétique,
les antidotaires contenant des recettes, mais aussi des prescriptions
pouvant nécessiter sinon un massage, en tout cas un étalement. Nous l'avons vu, à
l'époque romaine, les thermes
dans lesquels se pratiquaient les massages étaient de véritables lupanars qui engendraient autant de grossesses illégitimes,
que de maladies vénériennes au détriment de
la morale, prè carré de toujours des religions. Au
Moyen Âge ce sont les étuves qui
prennent le pas sur les thermes au bénéfice de l'hygiène publique
et elles furent l'objet d'une étroite surveillance. Rappelons
les nombreux écrits religieux condamnant le corps, sa faiblesse
et les risques que cela comportait de se laisser aller au stupre
et à la luxure. Un empire était tombait à cause
de sa débauche, alors à quel sort pouvait prétendre
un corps lors du jugement dernier ? Le massage était une des portes du Latium donnant celle-ci
sur le mal et l'église ne pouvait que le condamner. L'écrit
peine donc a exprimer la réalité de la vie quotidienne
des petites gens sachant que seules les élites savaient à
peu près lire, écrire, et qu'il n'était pas
aisé de se lancer dans la production lourde et coûteuse
d'un livre traitant de sujets populaires aussi secondaire que le
massage. Nous
devons donc nous contenter de bribes au détour de livres
traitant de tout autres sujets.
Alors, le massage qui avait
accompagné l'empire romain lui-même inspiré
des techniques connues des grecs, avait-il d'un coup disparu sous
toutes ses formes ? Il nous
faut distinguer le massage direct fait dans l'objectif de relaxer,
de détendre autrui, du massage pratique, indirect,
que l'on pourrait nommer massage-malgré-lui
mais quel qu'en soit l'objectif, gestes soignants ou esthétisants
amènent invariablement à une confusion de sens que
génère le toucher.
On peut masser sans s'en rendre compte, sans qu'il soit nécessaire
de lui donner un nom. Doit-on nommer ce que la morale réprouve
et ce que le corps attend et l'esprit comprend ? Que le geste soit
thérapeutique, esthétique ou intime, son passage est
source de bien ou de mieux-être mais son context peut-il suffire
à l'isoler de ce qui constitue un massage et de sa
définition ? La seule production de plaisir solliciter par
le stimuli de la peau deviendrait-elle incongrue au regard de l'intention
première ? Peut-on vraiment chasser tous sentiment de détente
sous l'impulsion d'un toucher même si celui-ci n'était
pas fait initialement pour détendre ? Dans quelle mesure,
l'époque, le rapport au corps pouvait-il permettre ces épanchements,
ce laisser-aller ? Dans le petit peuple qui se levait à l'aube
avec le soleil pour rejoindre les travaux des champs et se couchait
avec lui pour économiser au mieux les chandelles,
peut-on envisager qu'il y ait eu massage
? Selon les périodes la vie était dure, violente,
les maladies, les guerres, les catastrophes naturelles scandaient
l'existence d'une vie faite de labeur souvent au service d'un plus
puissant que soit. La nature des habitations, la promiscuité
ne laissaient elles-mêmes sûrement pas beaucoup de place
à la vie intime et aux prélassements de leurs habitants.
Néanmoins, de ce peuple est né bien des formes de
jeux, de distractions ; certains s'en sortaient incontestablement
mieux que d'autres. Le temps permettait alors de penser à
soi comme le suggère l'art de la toilette indissociable du
paraître en société. Les bains, l'utilisation
des onguents, des huiles, des plantes réduites en pommades
est l'amorce du massage. Il est étrange qu'une tradition
romaine ait ainsi subitement disparu. De plus, si le massage
est aussi anciennement lié à la prostitution de par
la proximité qu'il convoque avec le corps, c'est parce qu'il
fait partie intégrante de l'histoire de l'homme. On peine
à croire que cette forme de prostitution ou en tout cas de
collusion avec le corps ait brutalement disparu sur ordre de l'église.
Que l'ordre ait été donné, cela ne fait aucun
doute, que les menaces afférentes aient été
prononcées, nous le croyons bien, mais il y toujours eu des
latitudes non négligeables entre la décision et l'application,
entre les exigences de la morales dictées par l'autorité
ecclésiale et les nécessités du corps vues
ressenties par l'individu. La seule compréhension de l'ordre,
les perceptions de l'inconscient ont toujours plongés l'homme
dans des abîmes de réflexions qui certes, produisaient
leurs effets sur le coup mais permettez toujours l'aménagement
l'expression d'une forme de liberté individuelles, primitive
et difficilement contrôlable. Les chansons, les jurons, les
superstitions sont la preuve de ce libre arbitre. La dérision
suppose un espace de liberté insoupçonné auquel
le massage n'a sûrement pas pu échapper surtout
quand il permet d'aborder le corps de l'aimé(e). La caresse
qui précède, accompagne ou succède à
l'amour charnel est un massage comme en ont produits les
gestes quotidiens de la toilette et si ils n'ont pas forcément
trouvés de supports suffisamment pérennes pour nous
parvenir, cela ne signifie pas qu'ils n'ai jamais exister. A nous
donc d'exhumer de ce néant les traces de ces supports alternatifs
par lesquelles le massage aura su se développer.
Là où ça
se complique c'est que plus les sources sont anciennes, plus
elles sont difficiles à localiser puis à déchiffrer.
De plus, le massage
n'est jamais qu'un geste qui ne nécessite pas d'outils pérennes
et ne refait surface lors de fouilles archéologiques que
de façon détournée. Par exemple, la proximité
que le massage entretient traditionnellement avec le bain
et la toilette de façon générale est à
la fois son malheur et ce qui le sauve. L'énormité
de la production en faveur de la toilette l'a complètement
esquivé. Le massage n'a besoin ni de fares, ni de
vêtements ou de parfums nécessitant autant de métiers,
d'outils et de gens pour espérer ressortir de quelques vestiges
ayant échappé au temps comme à la destruction
des hommes. Néanmoins, l'encombrante personnalité
de la toilette à permis la création spécifique
de vases, de flacons, de pilons pour la production des huiles, des
préparations que la proximité avec l'art de la toilette
n'aurait jamais produit au bénéfice d'une pratiques
interdite et peu fréquente. Ni potiers, ni peintres, ni graveurs
ne se seraient spécialisés dans des ustensiles marginalement
utilisés et peu vendus si ce qu'ils contenaient ne servaient
indistinctement à l'une comme à l'autre. L'huile,
l'onguent pour affiner la peau ne se satisfaisait pas de l'ivresse
mais exigeait le flacon qui donnait à la beauté le
statut qu'on lui prêtait. Ainsi le massage se glissait
dans le sérail des productions artistiques et empruntait
à la beauté le vase qu'il partageait avec elle. De
son côté, la toilette ne pouvait se séparer
de ce fidèle compagnon de ses origines par lequel passe la
fascination qu'entretien la peau avec la main, la main, avec la
peau. toucher,
prendre dans tous les latitudes fonctionnelles de la main ne peut
se faire sans masser.
L'église fut-elle néfaste au
massage ? En histoire il faut se garder des jugements de
valeur et considérer que l'interdit vient de rien pour aboutir
nulle part. L'empire romain d'occident ne s'effondre pas comme cela,
sa décadence avait commencé depuis longtemps. Les
romains eux-même se lassaient des facéties des Dieux
de leur panthéon, de toute cette extravagance et après
s'êtres pris d'engouement pour la nouvelle conquête
égyptienne, les romains se rapprochèrent des cultes
monothéistes, de Mythridate ou des sectes Chrétiennes.
L'église percevait l'exaspération du peuple pour ces
agapes, pour ces fêtes sans fins que distribuaient des jours
fériés devenus plus nombreux que les jours travaillés
qui ruinaient le trésor et déstabilisait l'empire.
Les bains romains, les massages
étaient devenus des lieux de luxure et après la dissolution
de l'Etat, il est assez compréhensible que la propension
aille vers plus de sobriété. Néanmoins, les
bains comportent en eux la dynamique du massage, longtemps
dans l'histoire l'on eu des serviteurs, des "gens" qui
s'occupaient de vous. La préparation des bains tout comme
la cuisine, le lavage du linge ou la confection des vêtements
nécessitaient beaucoup de mains-d'oeuvre. Il est donc assez
naturel qu'a la suite du bain le massage se soit immiscé
avec davantage de discrétion qu'au paravent mais avec tout
autant d'évidence jusqu'à ce que le puritanisme fasse
son travail de sape. Néanmoins nous aimerions trouver
des traces de cette condamnation. Y eu-t-il productions de textes
spécifiques mentionnant clairement le massage ou en
tout cas la friction
comme étant la cause des maux ? Y avait-il d'autres expressions
pour le nommer ?
Bibliographie Pour l'instant, au vue
de ce que nous en savons au CFDRM, il n'existe pas d'ouvrages occidentaux
traitant du massage de façon directe. Avicenne, médecin perse du Xe
siècle écrira un Canon de
la médecine dans lequel il abordera le massage
à des fins thérapeutiques avec gravures à l'appui
ce qui constitue une source de grande valeur, mais rien en France
et rien en europe à notre connaissance. Néanmoins,
nous voyons bien que la dimension thérapeutique titille la
médecine. La poudre
de momies,
la bave de crapaud et biens d'autres délicatesses appartenant
au règne animal, végétal mais aussi minéral
furent pillées, réduites et proposées sous
toutes les formes possibles que l'on retrouve dans des antidotaires.
Nulle raison pour que le massage avec ses manipulations,
échappe à cette volonté de soigner sachant
le potentiel de détente et les effets évident que
le massage a sur la santé. Ce n'est pas pour rien
qu'une des gravures du Canon de la médecine
d'Avicenne, présente un massage des lombaires. Toutes
ces méthodes thérapeutiques parfois très invasives,
douloureuses, aux résultats incertains, aient été
préférées à celles réputées
efficaces et agréables comme le massage. |
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