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Massage
et peinture
Essai
Je ne fais que lancer des débuts de réflexions
de ce qui sera l'âme de mon travail. Le Massage est un art,
il est peinture, il est théâtre, il est danse, chorégraphie,
écriture. Dans mon institut je suis un peintre dans son atelier,
je cherche, j'expérimente, je travaille de l'émotion
brute que je dois canaliser pour coller à de la "déjà
mise sur le marcher". Des gens m'ont parfois invité
à essayer des choses sur eux, et par eux seulement le masseur
n'est pas seul devant une toile mais en confrontation avec de l'existant
et donc de l'imprévisible. Par ce qui existe je dois composerL'écrit
est une bonne transition. Masser c'est déjà de l'écriture,
de la peinture peau à peau.
Poussin, Arcimboldo, Pissaro avec son pointillisme
incarnent des mouvements picturaux qui reflètent la sensibilité
d'un peintre qui entrera en résonance avec un public ayant déjà
au fond de lui les germes de compréhension de ce que la sensibilité
d'un homme aura vue avant les autres. Le massage est le petit véhicule
des arts. Il s'insinue quasiment dans tous les arts, dans chaque
mouvement interstitiel de la société.
Un massage doit toujours être relaxant
Le massage est relaxant comme la peinture ne serait qu'académique.
Un visage ne saurait être autre chose qu'un visage et encore,
un visage idéalisé, aimant mais pas un visage réaliste,
pas difforme. Que serait donc un massage fait par Jérome
Boch ? Pourrait-il exister dans la noirceur d'un Dubuffet ? Un massage
peint, un massage de couleur dans lequel son exécution serait
hors norme, défiguré, étrange pour un rendu
absent là où l'on s'attendait qu'il soit pour le prix
qu'on n'y met, un massage présent là où jamais
il n'aurait dû être.
Nous voyons bien qu'une peinture avec toute la culture ancienne
que nous avons acquis c'est un coup de coeur, un achat impulsif,
de la couleur, un nom, une signature mais aussi un ou une peintre,
une blessure, une émotion de laquelle s'échappe des
fluides corporels qui se transforment en quelque chose de l'ordre
de l'expression. Il y a des marchands, des galeristes, des collectionneurs
mais que deviendrait un massage sur une cimaise ? Y aura-t-il des
marchands d'art du massage ? Des galeristes exposant des artistes
masseurs ? Ce réalisme, cette crudité qui fait parfois
dire qu'il ne s'agit pas d'art, comment la techno, comment les origines
du monde, comment jouer une pièce de théâtre
présentée nu n'aurait-elle pas les mêmes effets
qu'en massage ? Je me souviens d'un Monsieur qui me disait
qu'il avait essayé un massage fait d'effleurement avec des
pièces de soie et que pour lui ce n'était pas du massage.
C'était sûrement vrai au demeurant, comment en effet
pourrait-on comprendre la réalité de l'existence de
quelque chose qui n'existe pas dans son fort intérieur ou
qui est tellement profondément enfoui qu'il ne peut le saisir
? Et puis ce qu'on en dit est rarement ce qu'en en pense vraiment
tant dans l'allant d'une conversation se trouve aussi de ce que
les autres veulent entendre pour vous valider. Pour le massage l'insulte
suprême c'est "ce n'est pas du massage". Le
massage français par exemple intègre un massage du
sexe, de l'anus et beaucoup s'interrogent sur la nécessité
de masser le sexe. Ça revient à se demander si il
faut tout peindre dans la peinture. Le sexe comme les rides d'un
vieillard sont-ils montrable, sont-ils porteur d'esthétisme,
de sens ? L'érotisme qu'il ou la dénégation
qu'il suggère en première vue ne révèle-t-il
rien d'autre à ceux qui en sont les protagonistes, masseur,
massé ou spectateur ? Le sexe ramène par l'appauvrissement
réductionniste que nous en avons mais comme le vieillard
ramène à l'érotisme mais par la déviance
et l'image en négatif qu'on en a. Est-on vraiment sûr
qu'il s'agisse d'une pipe ? Imaginez un peu l'horreur de cet écrit.Le
sexe, c'est-à-dire le corps, le vieillard, c'est-à-dire
le corps sont-ils porteur de sens ? Est-ce que le vivant est porteur
de sens ? Est-ce qu'un sexe peu s'extirper du sexe, peut-il, dans
la France de 2008 relever d'autre chose que de la police des moeurs
?
si le sexe en massage est l'équivalent des origines du monde
alors les Origines de monde n'est pour la France que la représentation
hyperréaliste d'un vagin qui ne ramène et ne montre
qu'un vagin. Rien ne vous empêche de vous branler devant comme
devant le sexe du David de Michel Ange mais rien ne vous empêche
non plus de vous lancer dans des études de l'histoire de
l'art. La serviette pudiquement posé sur le sexe n'est-elle
pas cette feuille trilobée du moyen-âge que la vigne
nous fournie pour dissimuler ce qui est trop complexe pour le comprendre
? Le massage doit-il en commander par paire pour que l'anus reste
dans ses enfers ?
Il y a le grand public du sexe et puis ceux pour
lesquels le massage devient une piste de lecture corporelle nouvelle.
Anticipant la culture la perception la précède et
le massage est avant tout de la perception, de l'intuition. Bien
des gens confondent le sens même des massages selon leur origines,
relaxant, zen, thérapeutique, médical mais combien
perçoivent ce qu'il contient ? Un massage ça vie,
un massage ça souffre et un massage ça meurs aussi
et pour cela, nous n'avons pas l'orthèse de la couleur qui
est déjà un alphabet visuel facilement perceptible.
Le rouge pour le sang, le noir pour la mort, la blanc pour la candeur.
Pourtant un geste raté c'est comme un pinceau qui dévie,
si ce n'est pas bon toile et peintre le sauront et un massage finit
c'est un tableau de deux sensibilités. Les coups de pinceaux
sont aussi perceptibles dans les deux sens. Le grand public veut
du sexe, comme le grand public veut de l'image, du pictural à
consommer sur place, massage d'une heure d'un thaïlandais par
masseur(se)s sans formation ou décalcomanie d'une toile de
maître sans signature, on est dans la boulimie de l'accès
à tout pour au final n'avoir rien. Mais le public est homme
et dans cet homme se trouve la part de moi-même qui cherche
autre chose que ce dans quoi je me noie à trop consommer.
Le massage est ce tronc dérivant et sur ce tronc je peux
faire un vrai massage. Pas besoin d'accoster dans une école
de massage pour rejoindre telle technique constituée depuis
des siècles en de véritables îles. Elles ont
leur sens mais il n'est pas le seul. Tout s'apprend même des
technique déjà découverte par d'autres, maîtriser
le pinceau, l'harmonie des coupleur, faire soi-même et puis
voir. Voir si ce que cela donne est bien, passionnant, révélateur
ou si ce n'est pas de cette façon que je cristalliserai ma
sensibilité.
Je parlais plus haut de fluides corporels, la peinture procède
de ces multitudes de fluides transfigurés par le pigment et
compose avec cette crudité comme le massage compose avec
les fluides corporels humains. La sueur, les pertes séminales,
la salive épanchée de lèvres endormies sont
l'invisible pigment du massage. Le praticien qui en fait fi
technicise son toucher au détriment de cette autre présence
tangible et tutélaire. Le corps ne peut se réduire
à sa seule graphie, à un esthétisme changeant,
à son périmètre définissant comme le
contour d'une toile serait la toile. Notre esprit nous amène
au-delà de ces frontières physiques mais il ne peut
les quitter tout à fait s'il en méconnaît certaines.
Un corps qui meurs est un corps qui vit et le corps d'un ancien
vivant reste à tout jamais celui d'un homme ou d'une femme
qui fut. Le massage ou plutôt devrais-je dire les massages
sont fait de ce réalisme philosophique. Un massage mourant,
un massage réduit à la sexualité, un massage
qui fut est toujours la rencontre entre deux personnes, de deux
recherches existentialistes.
Lundi 10 mars 2008
alain cabello |
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